I somewhat edited a French text, from "Ukraine, le fantôme de l'Europe" (J.Benoist-Méchin, 1941)
Le 20 novembre (1917), notification de l'indépendance ukrainienne est faite à l'Angleterre et à la France, qui s'empressent de reconnaître le nouvel Etat (la Rada) et y envoient des représentants officiels: le général Tabouis, pour la France, et Mr. Piston Bagge, pour l'Angleterre.
(...)
9 février, les troupes rouges entrent à Kiev., l'Ukraine (la Rada) fait appel à une aide étrangère. Les délégués de l'Entente cherchent à s'y opposer, (puis) Le général Tabouis et la délégation britannique quittent l'Ukraine. Le même jour, le traité de Brest-Litovsk est signé entre l'U.R.S.S. et l'Allemagne. Le gouvernement ukrainien s'enfuit à Jitomir, non sans avoir adressé un message aux armées austro-allemandes, leur demandant d'occuper le pays pour en chasser les bolcheviks.
Le traité de Brest-Litovsk et l'occupation allemande.
Amorcées dès l'automne de 1917, suspendues puis reprises en janvier 1918, entre Trotsky et le grand état-major allemand, les négociations de Brest-Litovsk marquent la fin de la guerre russo-allemande. Par ce traité draconien, la Russie renonce à la Pologne, à la Lituanie, à l'Estonie, à la Lettonie et à l'Ukraine. Elle se trouve chassée de la Baltique et de la mer Noire. Toute l'oeuvre de Pierre le Grand et de Catherine II est anéantie.
Pour les Empires centraux, le traité est un succès considérable: il ouvre aux cent cinquante millions d'habitants de l'Europe centrale, affamés par le blocus des Alliés, les prodigieuses réserves de blé du grenier ukrainien, ainsi que le coton, le manganèse et le pétrole du Caucase. Enfin, il permet à Ludendorff de concentrer toutes ses forces sur le front d'Occident.
Le 28 mars 1918, les divisions austro-allemandes se mettent en marche vers l'Est, chassent devant elles les formations soviétiques, mais leur avance est ralentie par l'opposition des gouvernements de paysans ukrainiens, travaillés en sous-main par des agitateurs anarchistes. Le 5 mai, les Cosaques du Don font à leur tour appel à la protection allemande. Mais le général Hoffmann qui dirige l'opération s'y refuse, craignant que l'affaire ne prenne trop d'extension. "Il fallait bien, écrit-il, mettre un terme à notre avance."
L'hetman Skoropadski
Entre-temps, la Rada est rentrée à Kiev, où elle a ratifié le traité de Brest-Litovsk (23 avril). Mais les autorités allemandes, ne la trouvant pas assez docile à leurs suggestions, et n'ayant plus besoin d'elle, la dissolvent. A sa place, ils créent une République nationale ukrainienne, à la tête de laquelle ils hissent un certain Skoropadski, qui prend le titre d'hetman. L'Ukraine devient un protectorat militaire allemand.
Aux termes du traité, l'Ukraine doit fournir aux Empires centraux un million de tonnes de céréales. Cependant, les paysans refusent de livrer leurs réserves. Il faut avoir recours aux réquisitions à main armée. Même celles-ci donnent des résultats décevants. Il faudrait augmenter les effectifs à trois cent mille hommes, ce qui est impossible, toutes les forces allemandes étant concentrées sur le front occidental.
Dès le mois de juin, une effervescence insolite se manifeste sur plusieurs points du territoire. Une explosion détruit l'arsenal de Kiev. Le 30 juillet, le maréchal von Eichhorn qui commande les troupes allemandes est assassiné par le socialiste révolutionnaire Donskoj. Vers la mi-août, on commence à entrevoir la banqueroute de l'expédition.
La débacle et le reflux des armées allemandes de l'Est
( inclusion d'une phrase de 6 chapitres plus loin -> ) les paysans anarchistes ukrainiens, disséminés dans la steppe orientale, donnent bien du fil à retordre aux armées d'occupation allemandes. ( <- )
Vers le 15 septembre, l'armée bulgare est vaincue par le maréchal Franchet d'Esperey. Les arrières de l'occupation sont menacées. La propagande bolchevique s'intensifie parmi les troupes allemandes. La discipline se relâche. Les unités autrichiennes de la garnison d'Odessa se mutinent. Le 21 octobre, la Turquie signe une paix séparée, permettant à l'Entente de prendre pied dans la mer Noire. Quelques jours plus tard, l'Autriche en fait de même. Sur le front Ouest, la retraite allemande est amorcée sur toute la ligne. Le 9 novembre, des émeutes éclatent à Kiev, à Wilhelmshaven, à Hambourg. La révolution gronde à Berlin, à Munich, à Vienne, à Budapest. Le 11 novembre, l'Allemagne dépose les armes. Le même jour, le commandant en chef du front Est donne l'ordre d'évacuer l'Ukraine.
Ne pouvant passer par la Roumanie, qui s'est jointe aux Alliés, ni par la Pologne qu'occupent les légionnaires de Pilsudski, les divisions allemandes doivent faire un détour immense vers le Nord et regagner leur pays par la Courlande (Lettonie de l'Ouest) et la Lituanie.
Pour la troisième fois dans l'histoire, après Charles XII et Napoléon, on voit une armée d'invasion refluer vers l'Ouest, au coeur de l'hiver. (...) Les soldats de la garnison de Kharkov fraternisent avec les révolutionnaires et désarment leurs officiers. Désespéré, le général allemand qui commande la place veut se mettre en marche à travers la steppe, pour regagner l'Allemagne à pied, au milieu d'une tempête de neige...
Les troupes n'ont plus de souliers, plus de capotes, plus de munitions. Attaquées par les formations bolcheviques qui s'enhardissent de plus en plus, et par les groupes de paysans qui les assaillent à coup de fourche, elles poursuivent, jour après jour, leur marche interminable. Vers la fin février, les derniers contingents allemands ont évacué la Russie.